Le Document Unique et la prévention des risques d'agressions verbales et physiques
Depuis l'instauration du Document Unique d'Évaluation des Risques Professionnels (DUERP) par le décret du 5 novembre 2001, chaque employeur a l'obligation de recenser les risques auxquels ses salariés peuvent être exposés. Parmi ces risques, les agressions verbales et physiques constituent une menace sérieuse pour la santé mentale et physique des travailleurs.
Le Document Unique : définition et enjeux
Le Document Unique est un outil central dans la politique de prévention des entreprises. Il rassemble, de manière structurée, l'ensemble des risques identifiés au sein d'une organisation et propose des mesures pour les prévenir ou les réduire. Sa mise à jour est obligatoire au moins une fois par an et lors de tout changement susceptible de modifier les conditions de travail.
Au-delà de l'obligation légale, le DUERP est un véritable levier pour améliorer la qualité de vie au travail, réduire l'absentéisme et renforcer l'engagement des équipes.
Les risques liés aux agressions verbales et physiques
Les agressions verbales et physiques sur le lieu de travail peuvent survenir dans tous les secteurs d'activité, bien qu'elles soient plus fréquentes dans certaines professions (santé, éducation, commerce, sécurité, etc.). Elles englobent :
- Les agressions verbales : insultes, menaces, propos humiliants ou intimidants.
- Les agressions physiques : bousculades, coups, voies de fait.
Ces violences peuvent émaner aussi bien de clients, d'usagers, que de collègues ou de supérieurs hiérarchiques. Elles peuvent entraîner des conséquences graves telles que :
- Stress chronique
- Dépression
- Burn-out
- Accidents du travail
- Démissions ou turn-over accru
L'intégration des risques d'agressions dans le Document Unique
Pour une prise en compte efficace des risques d'agressions, l'employeur doit suivre plusieurs étapes méthodologiques :
1. Identifier les situations à risque
Il s'agit d'observer les postes de travail, d'analyser les incidents passés, de consulter les salariés et leurs représentants afin de repérer les contextes propices aux violences (travail isolé, contact avec un public difficile, environnement tendu, etc.).
2. Évaluer la gravité et la probabilité
Chaque situation doit être évaluée en termes de gravité potentielle et de probabilité de survenue. Cette hiérarchisation permettra de prioriser les actions à mener.
3. Proposer des mesures de prévention
Les actions correctives peuvent prendre différentes formes :
- Formations à la gestion de conflits et à la communication non violente
- Mise en place de protocoles d'alerte et d'intervention rapide
- Amélioration de l'organisation du travail (travail en binôme, limitation des situations d'isolement)
- Aménagement des locaux (espaces de repli, boutons d'alarme)
- Affichage d'une tolérance zéro envers la violence
4. Suivre et actualiser les mesures
La prévention des agressions n'est pas figée : elle doit être évaluée régulièrement, à travers des enquêtes de climat social, des indicateurs RH (absentéisme, turn-over) et l'analyse des faits remontés.
Le rôle de l'employeur et du salarié
La lutte contre les agressions est une responsabilité partagée :
- L'employeur doit garantir la sécurité de ses salariés et mettre en œuvre les moyens adaptés pour prévenir les risques identifiés.
- Le salarié doit respecter les consignes de sécurité, signaler toute situation de violence et adopter un comportement respectueux envers autrui.
Obligations légales en matière de prévention des violences au travail
Le Code du travail impose à l'employeur une obligation générale de sécurité (article L4121-1). En cas d'agression, si le lien avec une carence dans la prévention est établi, l'entreprise peut voir sa responsabilité engagée, tant sur le plan civil que pénal.
Par ailleurs, des accords collectifs et des conventions peuvent imposer des mesures supplémentaires selon les secteurs (par exemple, la convention nationale de la sécurité privée impose une attention renforcée aux agressions).
Quelques chiffres pour mieux comprendre
Selon une enquête menée par le Ministère du Travail en 2023 :
- Près de 12 % des salariés déclarent avoir subi des violences verbales dans le cadre professionnel au cours des 12 derniers mois.
- 4 % déclarent avoir été victimes d'une agression physique.
- Les femmes sont plus exposées aux agressions verbales (14 %) que les hommes (10 %).
Ces chiffres soulignent l'importance de prendre en compte ces risques dans toute démarche de prévention sérieuse.
Conclusion
La rédaction et la mise à jour rigoureuse du Document Unique d'Évaluation des Risques Professionnels sont essentielles pour protéger efficacement les salariés contre les agressions verbales et physiques. Une démarche proactive, associant analyse fine, écoute des salariés et actions concrètes, permet non seulement de satisfaire aux obligations légales, mais surtout de construire un environnement de travail plus sûr, plus serein et plus respectueux.
La prévention des violences au travail est l'affaire de tous et commence par une véritable culture de dialogue, de respect et de bienveillance.